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Full text of "Louis XIV médaillon en cire par Antoine Benoist"

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LOUIS   XIV 


MÉDAILLON  EN  CIRE 


PAR 


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ANTOINE    UENOIST. 


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VERSAILLES, 


EPRIMER1E    DE    MONTALANT-BOUGLKUX  , 
6,    AVENUE    0E    SCEAUX. 


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Ulusée  Impérial  de  Versailles. 

LOUIS  XIV. 

MÉDAILLON    EN   CIKK 

PAR   ANTOINE    JBENOIST* 

Un  monument  unique  dans  son  genre,  et  très 
probablement  le  seul  qui  reste  de  l'artiste  auquel 
il  est  dû ,  vient  d'être  placé  par  les  soins  de  M.  le 
comte  de  Nieuwerkerke ,  Directeur  général  des 
Musées  Impériaux,  dans  la  chambre  de  Louis  XIV, 
au  Palais  de  Versailles.  C'est  un  médaillon  de 
Louis  XIV,  grandeur  naturelle  ,  en  cire  coloriée  ; 
le  profil  du  roi  est  tourné  vers  la  droite  ;  l'œil  est 
en  émail,  et  semble  lancer  des  regards  d'une 
vérité  inquiétante.  Une  véritable  perruque,  pro- 
venant* peut-être  du  roi  lui-même ,  ajoute  à  l'il- 
lusion réellement  extraordinaire  de  cette  tête,au- 
dessous  de  laquelle  le  buste  est  formé  par  une 
portion  de  vêtement  en  velours  cramoisi,  un  frag- 
ment de  dentelle  et  un  cordon  bleu.  Rien  ne 
peut  donner  une  idée  de  l'effet  saisissant  que  pro- 
duit cette  image  presque  vivante  du  grand  roi.  L'ar- 
tiste qui  l'a  exécutée  avait,  à  cette  époque,  une  ré- 
putation européenne.  Né  à  Paris,  en  1631,  Antoine 


—  U  - 

Benoist  fut  d'abord  peintre  de  portraits;  mais  il 
abandonna  presque  entièrement  la  peinture  pour 
se  livrer  à  un  art  dont  il  est  à  peu  près  l'inventeur. 
Il  trouva  le  moyen  de  mouler  et  de  modeler  en 
cire  les  figures  des  plus  célèbres  personnages  de  la 
cour.  Ces  têtes,  «  coloriées  au  naturel  » ,  comme  on 
disait  alors,  et  auxquelles  des  yeux  d'émail  don- 
naient la  vie,  étaient  ornées  de  véritables  coiffu- 
res, et  posées  sur  des  corps  revêtus  des  splendides 
costumes  de  l'époque.  Il  avait  ainsi  formé ,  dans  la 
rue  des  Saints-Pères,  à  Paris,  un  cabinet  qui 
représentait  le  cercle  de  la  cour,  «  en  la  manière 
qu'il  se  tient  au  Louvre,  dit  la  Gazette  de  1669,  tou- 
tes les  personnes  principales  qui  le  composent  y 
étant  représentées  en  cire,  et  vêtues  avec  tout 
l'éclat  qu'elles  y  font  paraître.  *»  Il  fit  fortune  à  ce 
métier  ,  et  La  Bruyère  le  lui  a  reproché  dans  son 
chapitre  des  Jugements ,  où  il  dit  :  «  B s'enri- 
chit à  montrer,  dans  un  cercle,  des  marionnet- 
tes. »  Benoist  était  pourtant  un  véritable  artiste,  et 
ne  peut  être  en  rien  comparé  aux  industriels  qui 
imitèrent  depuis  ses  procédés,  et  montrèrent  des 
figures  de  cire  sur  les  boulevards,  dans  les  foi- 
res et  derrière  le  vitrage  des  coiffeurs.  Il  avait  le  ti- 
tre de  «  peintre  ordinaire  du  roi  et  son  premier 
sculpteur  en  cire.  »  Sa  réputation  l'avait  fait  ap- 
peler en  Angleterre,  où  il  avait  modelé  toute  la 
cour  du  roi  Jacques  IL  De  1660  à  1704,  il  exécuta 
sept  médaillons  du  roi  pour  lesquels,  «  par  une 
bonté  particulière,  dit  le  Mercure  galant ,  le  roi 


—  a  — 

a  bien  voulu  lui  accorder  tout  le  temps  qui  lui 
a  été  nécessaire.  On  y  voit.un  air  vit*  et  naturel,  au- 
quel il  ne  manque  que  le  mouvement  pour  faire 
croire  que  c'est  quelque  chose  de  plus  qu'un  por- 
trait. »  Le  cabinet  d'Antoine  Benoist  excitait  sur- 
tout la  curiosité  des  étrangers;  l'ambassadeur  de 
Maroc,  Abdallah  ben  Aïscha,  venu  en  France  en 
1699,  disait  que  si,  suivant  la  loi  de  Mahomet,  la 
portraiture  était  un  crime ,  celui  de  faire  des 
portraits  en  cire  était  une  abomination,  et  que 
M.  Benoist  serait  encore  plus  damné  que  tous  les 
autres  peintres.  Un  autre  ambassadeur  mahométan, 
Hadji  Mustapha  Aga,  envoyé  du  bey  de  Tripoli  en 
170^,  dit,  en  voyant  le  buste  de  la  duchesse  de 
Bourgogne,  modelé  par  Benoist,  qu'il  ne  lui  man- 
quait que  la  parole  •  que  cette  figure  lui  demande- 
rait son  ame  au  jour  du  jugement ,  et  que  ne  pou- 
vant la  lui  donner,  il  serait  aussitôt  précipité  dans 
l'abîme,  par  un  juste  jugement  de  Dieu,  qui  lui 
reprocherait  son  impudence  d'avoir,  par  son 
habileté  et  son  art ,  approché  de  si  près  de  l'œuvre 
de  Dieu  dans  sa  créature ,  et  de  l'avoir  voulu 
contrefaire  sans  lui  pouvoir  donner  l'ame.  Quelque 
chose  de  cette  impression  se  retrouve  dans  une  let- 
tre de  madame  Sévigné  à  sa  fille,  écrite  le  8  avril 
1671 ,  et  qu'elle  termine  ainsi  :  «  Adieu  !  ma  très 
aimable  enfant;  je  ne  pense  qu'à  vous.  Si,  par 
un  miracle  que  je  n'espère  ni  ne  veux,  vous  étiez 
hors  de  ma  pensée,  il  me  semble  que  je  serais  vide 
de  tout  comme  une  figure   de  Benoist.  »  Enfin, 


-  6  — 

pour  prévenir  les  objections  que  pourrait  soulever 
l'éloge  d'un  genre  tombé  si  bas,  citons  l'opinion 
du  sévère  Abraham  Bosse  lui-  même ,  qui  s'ex- 
prime en  ces  termes  dans  le  Peintre  converti  : 
«  Pour  les  beaux  et  surprenants  portraits  en  cire 
de  M.  Benoist,  je  dis  encore  que  si  ceux  qui  ont  pré- 
tendu le  mépriser  en  avaient  vu  comme  moi  à  qui 
il  a  donné  l'air  de  vie  par  une  gaîté  souriante,  ils 
n'auraient  peut-être  pas  été  si  prompts  à  décla- 
mer contre  une  si  belle  invention.  » 

Cependant  Benoist  ne  pouvait  être  admis  à  l'Aca- 
démie royale  de  Peinture  et  de  Sculpture  avec  ses 
marionnettes;  il  peignit  pour  y  être  reçu,  en  1681, 
un  beau  portrait  du  sculpteur  Buirette,  qui  se  voit 
encore  à  l'Ecole  des  Beaux  -  Arts,  à  Paris.  Le  célè- 
bre Edelinck  ne  dédaigna  pas  de  graver  d'après 
lui  un  médaillon  de  madame  de  Montespan,  et 
ses  portraits  de  Louis  XIV  furent  reproduits  par  les 
meilleurs  graveurs  de  l'époque,  avec  ces  quatre 
vers  au  bas  : 

Dans  ces  portraits  on  voit  Louis  également  ; 

11  ne  reste  plus,  pour  sa  gloire, 
Qu'à  trouver  un  auteur  qui  puisse,  dans  l'histoire, 

Le  peindre  aussi  fidèlement. 

On  sait  que  Benoist  avait  fait,  pour  la  cha- 
pelle de  l'hôpital  de  la  Charité,  rue  des  Saints- 
Pères,  un  Christ  et  une  statue  en  terre  cuite  repré- 
sentant un  ecclésiastique  de  Dijon,  enterré  dans 
cette   chapelle.    La  diversité   des  œuvres   de   Be- 


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noist  a  trompé  les  historiens  de  l'art ,  Dargenville, 
Heineken  et  Nagler,  qui  en  ont  fait  deux  artistes, 
l'un  peintre,  né  à  Paris  et  mort  en  110k;  l'autre 
sculpteur,  né  à  Joigny,  en  Bourgogne,  et  mort  à 
Paris,  en  1717.  Ces  auteurs  se  trompent  :  toutes  les 
œuvres  qu'ils  citent  sont  d'un  seul  et  même  An- 
toine Benoist,  né  à  Paris,  comme  nous  l'avons  dit  ; 
mort  à  Paris  le  9  avril  1717,  à  l'âge  de  qua- 
tre-vingt-six ans.  Son  cabinet  fut  dispersé  après  sa 
mort,  et  la  fragilité  de  ses  œuvres  contribua  à 
les  faire  peu  à  peu  disparaître  ;  celle  qui  est  si 
heureusement  arrivée  jusqu'à  nous  avait  appartenu 
au  comte  de  Maurepas,  ministre  de  Louis  XVI. 
Le  roi  y  paraît  âgé  de  plus  de  soixante  ans ,  car 
c'est  vers  l'année  1700  qu'il  supprima  la  petite 
moustache  qu'il  avait  portée  depuis  sa  jeunesse. 

Terminons  par  une  remarque  qui  naît  de  l'exa- 
men attentif  du  médaillon  de  Louis  XIV  ,  mo- 
delé par  Benoist.  On  y  distingue  les  traces  très  visi- 
bles de  la  petite  vérole,  cette  terrible  maladie  dont 
on  pouvait  dire  alors  : 

Et  la  garde  qui  veille  aux  barrières  du  Louvre 
N'en  défend  pas  les  rois. 

Ce  détail  n'existe  sur  aucune  des  effigies  de 
Louis  XIV,  peintes  ,  sculptées  ou  gravées.  C'est  en 
effet  seulement  à  la  fin  du  XVIII. e  siècle,  que  les 
artistes  commencèrent  à  indiquer  un  détail  qui  de- 
venait de  plus  en  plus  rare,  et  qui  ajoutait  à  la 
ressemblance  de  physionomies  telles  que  celles  de 


—  8  — 

Gluck,  de  Mirabeau,  de  Danton,  etc.  On  s'est  beau- 
coup occupé  depuis  quelque  temps  de  rechercher 
les  véritables  effigies  des  rois  de  France,  et  certes 
les  renseignements  ne  manquaient  pas  pour  repro- 
duire les  traits  de  Louis  XIV;  mais  de  tous  les  mo- 
numents qui  nous  restent  du  grand  roi ,  celui  qui 
devra  désormais  être  consulté  avant  tout  autre, 
c'est  le  médaillon  si  réel,  si  palpitant,  qui  se 
trouve  aujourd'hui  au  Musée  de  Versailles. 

EUD.   SOI  LIÉ. 


Versailles.  Imprimerie  de  Monlalant-Bougleuit. 


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